L’angoisse

L’angoisse, elle vient sans prévenir, sans qu’on sache trop pourquoi…. On a vérifié trois fois si la machine à café était bien éteinte avant de partir en week-end, vous avez le pied dans l’ascenseur, et on vous pose la question : « t’as pensé à éteindre la machine à café? ». La réponse et « oui » mais vous rappuyez sur 5ème et vous vous pourrissez la vie à retrouver vos clés au fond de votre sac sous une tonne d’autres trucs qui ne vous servent à rien, afin de rentrer dans votre bureau pour aller vérifier….. L’angoisse quoi….

L’angoisse elle vous prend quand vous regardez vos scènes pour la 150èmes fois. Vos défauts vous les avez vu, ceux de vos textes aussi, vous ne voyez plus que ça d’ailleurs…Mais après avoir menacé de tout jeter, de tout recommencer, de partir pour une année sabbatique dans un monastère péruvien, la raison, euh plutôt vos pauvres amis qui ont collaboré dans l’aventure vous conseillent d’y aller « bordel ! »
Donc, on y va « bordel » ! Mais l’angoisse, elle, elle reste….Faut bien vivre avec, essayer de s’en défaire. Vous avez lu de nombreux articles là-dessus, une angoisse que l’on garde est un foyer rêvé pour votre futur cancer. Il faut en parler. Le cancer, non merci, vous en parlez.

Vous allez voir votre père…. Entre un rapport qu’il avait à rendre pour il y a une semaine, et la préparation d’un apéro pour l’intégration des femmes bosniaques dans un milieu hostile, il n’a pas franchement le temps de vous écouter. Il ne comprend pas trop votre démarche, pense que vous vous destinez à une carrière d’écrivain et vous félicite d’avoir prit l’initiative de jeter vos 60 premières pages, vos débuts qui ne vous satisfaisaient pas complètement, car un bon écrivain doit réécrire son livre au moins quatre fois. Vous lui expliquez vos aspirations de comédie, vous lisez dans son regard « et voilà, ça recommence, je n’en verrais donc jamais le bout ? J’ai enfanté le Tanguy féminin ou quoi ?». Donc vous le laissez à ses rapports et intégrer tranquillement les femmes bosniaques, vous partez.

Vous allez voir votre mère…. Et lui lisez quelques passages de vos sketches, en prenant soin d’enlever tout ceux où vous parlez : d’elle, de votre père, de votre frère, de votre belle-sœur, de votre neveu, de votre nièce, ainsi que tout ceux faisant référence à votre vie de patachon, ce qui fait que vous lui lisez en tout et pour tout un titre « Les choses que j’ai du mal à admettre ». Elle vous trouve épatante !

Vous allez voir votre frère…. Mais partager votre angoisse lors d’un repas avec un petit bonhomme qui se demande « comment ça fonctionne l’électricité PAPA ??? » (votre frère est prof, et votre réponse « c’est un petit bonhomme qui allume une bougie dans l’ampoule » ne lui plaît que moyennement) ou une petite nana qui joue à « je fais couler mes frites dans mon verre d’eau » n’est certes pas idéal. Au moment de lui raconter que « dans un de mes sketches j’ai un petit garçon qui fait un dessin sur le canapé et là il dit: « c’est un soleil mais il est rouge parce que j’avais pas de jaune », votre frère croit tout d’abord que vous racontez une bêtise que votre neveu vient de faire et commence à le sermonner. Puis comprenant sa méprise suite à vos explications empressées, il vous rétorque : « Et c’est le meilleur moment de TOUS tes sketches ? Bon certainement que si tu me disais un passage qui ne concerne pas une bêtise que mon fils a déjà faite, ça me ferait beaucoup rire…. Rassure-moi, t’as pas donné ta démission encore ? »

Vous allez voir vos amis…. On vous parle d’un peintre qui s’est coupé l’oreille et qui « lui non plus n’aura jamais connu le succès de son vivant »

Vous allez voir n’importe qui….. On vous fait le sketch de « l’avion Barbie » de Florence Foresti, et bien qu’en ce qui concerne Florence Foresti vous ne connaissez que son imitation de Madonna, vous devinez que « n’importe qui » a oublié une bonne partie des répliques et le joue vraiment très mal….

Puis vous avez un sms, le jour de votre anniversaire qui est pour vous une autre source d’angoisse…Ce sms dira « vas-y crois en toi, car moi j’y crois ».
L’angoisse ne partira pas forcément pour autant, du moins pas tout de suite, mais ce message aura le mérite d’éviter que vous la transmettiez à de pauvres péruviens, dans un monastère….

Laisser un commentaire