Facebook me revoilà (suite)

Depuis le temps que j’ai commencé à écrire ce qui me passe par la tête, j’ai accumulé les textes et notamment des sketches. Je compte des dizaines de sketches en attente dans ma clé USB dont je ne fais rien, mise à part les étoffer quand, au détour d’une conversation, il me vient une idée. Et les gens étant une source d’inspiration inépuisable, à force, chacun de mes sketches fait 10 pages.
Et j’ai encore à ce jour, 125 notes d’anecdotes dans mon téléphone à classer. Des phrases, des situations, des manières des parler qui cherchent preneurs dans mes textes existants ou qui participeront à l’élaboration de nouveaux.

Ces derniers mois, aléas de la vie aidant, je remarquais que mes idées s’asséchaient. Ou plutôt mon radar était brouillé. C’est-à-dire que dans les périodes de vaches grasses, je remarque tout. Et mon imaginaire fait le reste.
Etre en permanence aux aguets peut être plaisant, beaucoup de choses m’amusent et mes pensées ressemblent à un De Funès qui sautille en répétant « elle s’appelle Edmée Edmée Edmée » dans Hibernatus (les aficionados de De Funès me comprendront).
Cependant, par certains autres aspects, c’est épuisant. Oui car je ne remarque pas que les bonnes choses ou les anecdotes marrantes. Un simple chuchotement au cinéma me percutera comme personne, je serai la seule perturbée par l’idiot au rang numéro 10 qui pianote sur son téléphone portable, et qui a mis les pieds sur le siège et que cela ne se fait pas, et plus généralement, dans les interactions quotidiennes, l’indifférence, l’égoïsme, la perfidie m’explosera au visage et me touchera d’autant plus. S’ajoute à cela, une mémoire d’éléphant, je n’oublie rien. Je stocke tout avec moult détails, les bons souvenirs comme les plus cinglants, ce qui fait que par moment je suis épuisée. Jouer, écrire est un exutoire qui me permet de supporter ma particularité et d’en tirer parti.
Comme m’avait dit une fois mon psy « vous êtes extrêmement sensible, malheureusement pour vous tout vous touche comme ces tissus qui attrapent chaque infime morceau de poussière. Mais vous savez, les plus grands artistes étaient de grands sensibles ». Puis il m’énuméra une longue liste d’exemple. Certainement pour m’encourager. Seulement, ces artistes en question avaient terminé, drogués, alcooliques, ou dans un asile à entendre les murs leur parler.
La finesse n’est pas toujours le fort des psys, en tous les cas, pas du mien. Je me rappelle qu’il avait été tout fière de m’annoncer que j’avais une névrose standard ce qui est, en langage médical, un compliment. Le monde étant pour eux en deux catégories, les névrosés et les psychotiques. La névrose touchant à différents degrés pratiquement tous les individus sains d’esprit. En gros, vous êtes fou mais vous en êtes conscient.
Ces mots avaient une signification différente pour moi car dès l’enfance, c’est toujours agité devant mes yeux le spectre de la dépression sévère, qui t’amène à faire quelques séjours prolongés à l’hôpital psychiatrique. Sans pour autant être fragile, ou avec une personnalité mal définie, vos gênes vous jouent des tours et vous devez faire avec. C’est comme ça, certains de vos ancêtres vous prédisposent à être doué en sport ou maîtriser le violon à la perfection, les miens m’ont donné en héritage un esprit vif et alerte, couplé avec une mélancolie latente et une capacité à trouver tout nul en un temps record. Même les choses banales qui font normalement l’unanimité comme les anniversaires ou l’été peuvent devenir en ma compagnie très folklorique.
Est-ce cette maladie à la mode qu’il est presque chic d’avoir maintenant, à savoir la bipolarité ? Je ne pense pas.
Car ayant eu des voisines de table au restaurant (oui car mon hyper activité cérébrale me fait tout remarquer, tout analyser, même des conversations qui ne me regardent pas) qui soûlaient leur auditoire en partant dans des délires exaltés et qui, durant leur monologue lâchait un « mon psy m’a diagnostiquée bipolaire mais la maladie ne me définit pas ! » pour repartir de plus belle dans une enchaînement de phrases qui ne semblaient jamais vouloir s’arrêter, je doute d’avoir quoique ce soit de communs avec ce type de pathologie…..

Une en particulier m’a fascinée. Pendant une heure, elle a détaillé à son ami, qui semblait complètement amorphe, tous les hommes avec lesquels elle avait échangé sur un site de rencontre. «Celui-là, il a des problèmes psychologiques et j’aurais pu l’aider tu vois, mais ce n’était pas le moment pour lui » (oui c’est ça, cela devait être un problème de moment…). Puis elle lui a fait une démonstration de l’utilisation de l’application du site sans se soucier un seul instant de son intérêt ou non pour la chose. Elle enchaîna en parcourant les profils des hommes qu’elle avait rencontrés, en donnant moult détails sur le déroulement de l’entrevue, ponctuant le tout de rires aux éclats (d’elle toute seule) qui la faisait sauter sur sa chaise. Elle finit par lancer à son ami « tu devrais t’inscrire tu vois c’est tout simple » tout en lui expliquant comment le faire et que mettre sur son profil.
Son interlocuteur finit par poser une question, la question qui devrait faire comprendre à toute personne normalement constituée qu’il n’avait rien pigé à la bonne 20 aines de minutes d’explications qui avaient précédé. Il lui a demandé : « Mais c’est déjà où que tu mets ton email pour l’inscription ?»
Moi je lui aurais répondu «Aïe mon pauvre….. tu es resté bloqué là ? bon alors on va reprendre l’explication en allégé…. Ou alors mieux, on va changer de sujet »
Mais elle pas du tout. Elle a continué comme si de rien n’était, laissant son ami tenter par lui-même de faire la différence entre « répondre à un message en utilisant aussi whatsapp si on s’échange le numéro de téléphone ou alors s’écrire sur le site ou tout simplement liker un profil sans rien se dire, ce qui montre juste ton intérêt sans t’engager, tu vois ? »
Je pense que son psy avait raison, elle est bipolaire. Et nous avons eu la chance d’assister à sa période maniaque.
Mais, non définitivement, je ne suis pas dans ce registre-là. Je me définirai, sans parler de pathologie, plutôt comme une personne avec une sensibilité particulière, qui me permet de supporter plus ou moins par moment, le monde et mes semblables.

J’étais donc en période de vaches maigres. Dans le sens ou plus rien ne me faisait rire. Je ne remarquais que le négatif. Je devenais de plus en plus standard et plate dans ma répartie et je coulais sans réaction dans des discussions carrément ennuyeuses, et ça c’est mauvais signe. Normalement, je préfère me taire que de parler de la pluie et du beau temps, alors si je me laisse entraîner sur ce terrain sans y mettre une mauvaise volonté manifeste, c’est que je vais très mal.

Il n’y a rien qui ne m’attriste plus que de me trouver pas drôle. J’ai l’impression d’être commune et je n’ai plus envie de me côtoyer, ce qui est compliqué. Car normalement on passe beaucoup de temps avec soi. Bien que certains peuvent traverser toute une vie sans jamais se rencontrer.
Personnellement, je m’évite rarement, surtout quand je trouve mon niveau proche de zéro, c’est là que je me remarque le plus.
Cependant, ma standardisation était somme toute logique, ça va avec le fait de vieillir (que l’on appelle plus poliment « l’expérience ») et ce que l’on en apprend. Quel que soit notre enthousiasme et créativité à la base, il y a fatalement un moment où tu te heurtes à la réalité.
Pour ma part j’avais des idées sur l’amour et le couple (pas des idées arrêtées, mais plutôt romantiques) ainsi que de fortes convictions sur le monde du travail et les valeurs que je voulais y mettre.
Pour faire simple et court : dans les 2 domaines, j’ai dévissé.
Se dresse alors devant toi deux possibilités. Soit tu t’obstines à être différente, et tu t’épuises à nager éternellement à contre-courant tel le saumon qui gît au bord de la rivière pendant que toutes les carpes te passent à côté, ou alors, tu finis par prendre acte et forcément tu deviens un peu…..commune. Tu ne déplaceras plus des montagnes par amour car dans ce domaine, la vie te démontrera que c’est en général ceux qui se décarcassent le plus, les gens que l’on définit comme tellement « généreux » avec un personnalité « attachante »,  qui terminent par se faire planter comme des cons du jour au lendemain pour quelqu’un qui n’avait d’autre mérite que d’être là au bon moment. J’en suis arrivée à la conclusion qu’en matière de relations humaines, le service minimum a de loin le meilleur retour sur investissement. Si avoir de belles qualités de coeur te sert uniquement à étoffer ton profil sur des sites déprimants pour célibataires, franchement, personnellement, je m’en passe. 
Et concernant ton job, tu feras bonne figure.
La norme. En voyant les jours s’égrainer.
Sauf que….Un samedi je crois, où je faisais ma 56ème récapitulation de la semaine sur tout ce que j’avais à changer dans ma vie pour qu’elle me convienne un minimum et que je me suis heurtée aux mêmes murs en essayant de trouver de l’équilibre et un appui autour de moi, je n’ai vu comme solution pour me sentir mieux que de miser (encore une fois) sur moi et moi-seule.
J’ai décidé de jouer. Ce que j’avais sous la main. Tout de suite.
Jouer pour moi étant un puissant anti-dépresseur. Même devant mon miroir. Je me remémore des répliques qui me plaisent ou des phrases que l’on m’a dites et je les réinterprète, pour me détendre, comme certains font un sudoku. Moyen de détente en l’occurrence que je n’ai jamais compris… Aligner des chiffres dans des cases étant pour moi aux antipodes du ludique.

Comme je l’ai dit plus haut, j’avais beaucoup de sketches en attente, il ne me restait plus qu’à piocher dedans, à modifier une ou deux choses, car ce qui sonne bien à l’écrit peut-être totalement indigeste une fois interprété, et l’affaire était conclue. 

Je rechignais depuis longtemps à tourner quoique ce soit. Car si je prends un plaisir fou à jouer et à ce qui suit, à savoir choisir les scènes et faire le montage, montrer ce que j’ai fait est toujours très pénible.
Et cette fois n’a pas fait exception.
Quand tu t’exposes publiquement, plein de gens ont leur avis, positif ou négatif sur ta prestation ce qui est normal.
Mais, par un cheminement mental très étonnant, ils se sentent obligés de m’en faire part.
Enfin, ce n’est pas totalement vrai. Quand la majorité est très bavarde sur son opinion, d’autres le sont sensiblement moins. Je m’explique, lors de rencontres sociales banales, je suis souvent réticente à parler de moi. Beaucoup s’en accommodent (ça leur laisse tout loisir de parler d’eux) mais des récalcitrants, sentant peut-être qu’il y a quelque chose à se mettre sous la dent, me questionnent. Quand, de guerre-las, je finis par leur lâcher « dans mon temps libre, j’écris 2 ou 3 trucs » ils s’extasient avec un très convenu « formidable, une aaaartiiiiste c’est faaaaascinaaaant, je veux absolument voir ce que tu fais ». Et comme je ne suis pas née de la dernière pluie, je ne relève même pas. Donc la personne insiste, me relance, je craque. Poliment je lui envoie une vidéo avec un sobre « voilà une de mes scène». On m’a déjà fait le coup plein de fois, je n’attends pas grand-chose mis à part peut-être un « bien reçu, merci ».
Et bien non, que dalle, silence radio. Disparu. Tu n’entendras plus jamais parler de ton fan d’une minute. Pourtant, sa motivation et son empressement à voir ton travail en te complimentant par avance avait fini par t’avoir. A retenir : quand on te couvre d’éloges sans te connaître, c’est suspect.

Mais le plus souvent, je suis confrontée au nombre incalculable des spectateurs « détaillants ». Ils ont aimé, beaucoup même, d’ailleurs ils adorent te ressortir une réplique en te la rejouant, cependant sans mettre une seule phrase que tu as vraiment écrite. Tu fais semblant de reconnaître mais en général, tu ne vois pas du tout de quoi ils parlent. Certains profitent et enchaînent en se lançant dans une drague hasardeuse, en essayant de te complimenter. J’ai bien dit essayé. Parce que « je ne pensais pas qu’une fille dans ton genre (en te sortant la pauvre anecdote qu’ils connaissent de ta vie privée comme par exemple, que tu as visité tes parents le weekend dernier) pouvait être aussi drôle ! », ça n’est pas un compliment. C’est une remarque de beauf.
Remarque qui m’a définitivement décidée de ne pas poster la 2ème vidéo que j’avais faite et qui restera dormante dans mon disque dur jusqu’à nouvel ordre.

Puis ceux qui te connaissent un peu plus font leur entrée. Eux ce qu’ils veulent c’est apporter leur touche, leur expertise. « Tu ne penses pas que : si tu faisais moins long/si tu mettais moins de noir dans tes transitions/si tu jouais autrement, ça serait plus porteur ? »
Ces gens-là en général n’ont jamais rien joué ou surtout écrit de leur vie. Ils ne se rendent pas comptent de la difficulté d’avoir un texte qui tienne la route (j’en ai écrit des tonnes injouables ou carrément mauvais), l’exercice délicat de faire une scène qui soit compréhensible et qui donne bien à l’écran dans un tout petit espace, le défi de garder du rythme afin de tenir l’attention du spectateur sans pour autant donner mal au crâne à tout le monde en faisant des tonnes. S’ils étaient déjà passé par là, jamais ils ne te diraient « tu mets trop de noir dans tes transitions de montage ». Car ils sauraient à quel point mettre du noir, rien du tout ou un chat qui danse la Macarena, c’est un détail. Couper la scène au bon moment, ni trop vite, ni trop tard, ça, ça ne l’est pas, tout comme le choix de la prise ou encore jouer juste. Ils verraient aussi que quand on a fait tout cela et que le résultat et presque à la hauteur de nos espérances, entendre une telle remarque me donne envie qu’ils rejoignent une secte quelconque et participent au suicide collectif pour rejoindre Syrius ou la planète B en vogue du moment chez les ésotériques allumés.

Quand je réponds à leur « tu ne penses pas ? » je leur dis que je ne pense rien. C’est-à-dire que je pensais plein de choses lorsque j’ai commencé à faire cela il y a des années en arrière (et c’est marrant les autres qui étaient à leur place aussi pensaient plein de choses) et s’il y a une leçon que j’ai retenue c’est que, tu peux bien faire ce que tu veux, frapper à toutes les portes, t’acharner, te retourner le cerveau dans tous les sens à essayer de trouver quoi changer pour que l’on t’aime, tu ne maîtrises RIEN. Des gens feront une petite crotte de vidéo de 15 secondes, mal écrite et sans originalité et ce sera un buzz monumental, et toi tu pourras passer ta vie à faire des scènes que tu estimeras de qualité, ta volonté et ton ambition se buteront à la limite de ta destinée.

Alors non je ne pense plus rien, et le plus important, je ne fais pas cela pour le regard de l’autre ou une quelconque reconnaissance. L’intérêt d’autrui est éphémère et chercher sa valeur dans ses yeux est le plus sûre moyen de forger son malheur. J’écris, je joue parce que c’est quelque chose que j’ai en moi, qui m’aidera quoiqu’il arrive, qui me sera toujours fidèle, qui ne me quittera pas. Et c’est plus que l’on peut demander à ses amis, son conjoint ou même à un terre-neuve. C’est suffisant comme raison, non ?

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