Le célibat on apprend sur soi

S’il y a une chose qui m’a frappée durant ma (longue) période de célibat, c’est que je n’ai jamais manqué de gens pour m’expliquer à quel point c’est super de l’être et tout ce que l’on apprend sur soi.
Ces personnes-là ont été seules quelques mois grand maximum. Ils ne connaissent du célibat qu’une soirée où aucun pote n’était disponible pour les accompagner au cinéma. Ça leur a laissé deux heures pour réfléchir sur le sens profond de la vie. Qui a repris son cours comme si de rien n’était. Mais s’il fallait une connaissance approfondie des sujets avant de ramener sa fraise et se fendre de conseils, ça se saurait. Les réseaux sociaux seraient déserts et les rapports humains beaucoup plus apaisants.
Ce sont d’ailleurs les mêmes qui n’auraient aucun souci à passer un nouvel-an seul (ils ne l’ont jamais fait) et qui te conseillent les voyages organisés quand tu en as marre de demander l’aumône auprès de tes amis et de ta famille afin de caser tes semaines de congés.
Non je n’ai jamais été tentée de m’essayer aux voyages organisés. J’ai une personnalité empathique, tous les cas sociaux me prennent pour leur meilleure amie et me racontent leur vie. Et même si ça peut être intéressant sociologiquement parlant, que ça me donne parfois aussi de l’inspiration, plus je vieillis, plus ça m’épuise. Alors me retrouver en Tanzanie à devoir écouter ma 300 ème histoire de divorce douloureux et compliqué, la faute à un ex dont la personnalité se rapproche dangereusement de l’antéchrist, j’ai préféré ne pas tenter.

Sur le célibat j’en connais un rayon. Je pourrais ouvrir un work-shop ou faire des « inspirational speeches » à l’américaine.
Je me rappelle ces jours qui suivent la rupture où tu retournes en morceaux chez tes parents en espérant qu’ils ne te questionneront pas. Ils ne l’ont pas fait. Et que ce soit par pudeur ou désintérêt, peu importe, je leur en suis très reconnaissante.
Je connais ces moments qui te donnent l’impression que le monde entier participe à une party géante où tu es la seule à ne pas être invitée.
Ces samedis matin où tu te lèves sur le thème « je vais mourir seule et on mettra 2 semaines à s’en apercevoir ».
Enfin je connais les soirées où tu t’obliges à te rendre car à force d’entendre que « ce n’est pas en restant chez toi que tu rencontreras du monde » tu finis par céder.
J’en ai rencontré du monde. J’ai même eu l’impression de ne faire que ça. J’ai croisé plus de personne dans cette vie que je ne souhaite le faire dans les 3 prochaines… et je vais être dure mais les gens sont toujours un peu les mêmes. Il n’y a pas que dans le monde du travail que tout s’est standardisé, la vie privée n’a pas été épargnée. Ils ont grosso modo les mêmes centres d’intérêts, se passionnent pour les mêmes séries, se réjouissent des prochaines vacances au soleil et rêvent d’une vie différente ailleurs pour faire sensiblement les exactes mêmes choses qu’ils font ici.

J’ai écouté les conseils, je suis sortie de ma zone de confort, je me suis confrontée aux autres et j’en suis arrivée à la conclusion que même le nouveau finit par devenir lassant.

J’aimerais dire que le célibat fût pour moi un choix délibéré. Que je suis une femme de la génération qui a compris que sa liberté et son indépendance viendrait au prix du sacrifice d’une vie de famille qui m’aurait semblé de toute manière bien terne en comparaison de tout ce que je voulais réaliser. Mais pas du tout. Les circonstances et les aléas de la vie ont fait que je le suis devenue et je m’en suis accommodée bon gré mal gré. Planter un domaine ne fût au bénéfice d’aucun autre. Dommage. Mais le temps a passé et s’il y a bien une chose positive que j’accorde au fait de vieillir, c’est que l’on ne se met plus la pression pour réussir. On a tout raté, on le sait et on s’en fout.

Mon regret est de ne pas avoir eu le sens de la légèreté ça aurait été plus facile. Je ne suis pas légère, je ne l’ai jamais été. Racines germaniques, faille psychique ou éducation trop axée sur la prise de conscience (alors que mes camarades faisaient leur dissertation de fin de scolarité sur des romans fantastiques ou à l’eau de rose, sur les bons conseils de ma mère je fus la seule à choisir « le journal d’Anne Franck » et passa mes 10 minutes d’examen oral à me révolter sur la tragédie que fût la 2ème guerre mondiale). Je ne sais ce qui a pesé le plus dans la balance. Peut-être un mélange des trois. Quoiqu’il en soit, j’ai de l’humour, je sais être déjantée à mes heures perdues et je crois, sans me jeter des fleurs qu’il y a pire dans la vie que de passer une soirée en ma compagnie. Mais je ne suis pas légère. Dommage. On vit tellement mieux quand on est léger.
J’ai toujours besoin de lien, de profondeur, je cherche à m’entourer de gens drôles, qui ont de la répartie et le goût de partager avec moi des idées philosophico-tranchées sur la vie. Ça fait beaucoup. Ça fait trop. Pour être heureux en société, rester en surface est de loin ce qui a donné le meilleur retour sur investissement. Pour être heureux en amour aussi d’ailleurs.
Car je ne compte plus les exemples de personnes avec lesquelles je n’aurais pas passé plus de 5 minutes sans avoir envie de me pendre, que je trouvais inintéressantes ou d’un ennui coupable et qui ont pour leur part sauté d’une histoire à l’autre sans aucun problème. Si les relations humaines sont un mystère, les qualités qui me semblent tellement importantes quant à elles sont la voie royale pour terminer en déshérence sur une appli de rencontre.
J’aurais pu revenir sur mes principes, me dire que la vie est ainsi faite, enchaîner les relations sans lendemain ou alors m’engager pieds et poings liés, afin de me passer l’envie de me barrer, avec le premier idiot venu. Ça aurait été simple. Beaucoup le font. J’aurais été comme la majorité des couples que je connais, malheureuse tout en blâmant l’autre ou la vie de ma mauvaise fortune. On adore se plaindre des barreaux que l’on a soi-même érigés.
Je ne l’ai jamais fait, car même si je sais que la vie est essentiellement remplie de futilités, que sans ça on ne survivrait pas, j’aspire au moins à sauver ce qui peut l’être de ma vie amoureuse. Et si l’angoisse de remplir mes samedis soir implique de me résigner à me contenter de peu, alors je préférerais être payée à torcher le cul de Saddam Hussein, pour paraphraser Bridget Jones. Comme il est mort je le remplacerais par Kim Jong Un. Qui cela dit doit être aussi désagréable à côtoyer que le précédent.
Alors oui, le célibat on apprend sur soi. Mais je compte bien ne pas passer ma vie à être mon centre d’intérêt principal.

Laisser un commentaire