Facebook me revoilà

Il y a 5 ans j’ai supprimé mon compte Facebook. Car trouvais ce site déprimant et je ne voyais pas ce qu’il apportait, mise à part la possibilité donnée à chacun d’avoir soudainement l’envie de mettre sa tête dans le four en mode « décongelation rapide » en se promenant par exemple sur le profil de ses ex et par association, de nos remplaçant(e)s.
Pour les gens ayant une imagination exacerbée comme la mienne, c’est une très mauvaise idée. Ce que l’on y trouvera nous fera rarement plaisir. Tu veux avoir l’impression que l’univers est contre toi, ou alors qu’une fête géante se déroule sur ton cadavre ? Tu es au bon endroit : va sur le profil Facebook de tes ex. Que ce soit les palmiers de vacances (il y en a souvent et ils semblent te détester), les commentaires de la remplaçante (sur le thème « tout va bien merci, notre vie et fabuleuse » et je vais le dire plein de fois en ajoutant des « nous faisons » « nous allons » « nous pensons ») ou encore en apprenant leurs multiples projets qui s’enchaînent, tout y fait pour que ton égo et ce qu’il te reste de cerveau après avoir vu ce qui précèdent, passent à la déchiqueteuse. S’il y avait un chat, c’est sûre, il aurait hashtag «Dans ta face !». Facebook est le pire endroit au monde pour vivre sereinement une rupture.
Et très souvent, la vie m’a appris l’humilité.
Certaines leçons ont laissé plus de traces que d’autres.

On l’aura compris : si tu es au bord du gouffre et que tu cherches une raison de t’y enfoncer encore un peu plus, Facebook t’aidera en te donnant le tacle final.

N’essaye pas de trouver du réconfort chez tes « amis », leur vie sur Facebook est toujours géniale. Et comme je l’ai dit souvent : quand on n’est pas au mieux de sa forme à choisir, on préfère toujours que les autres se la jouent profil bas plutôt que d’assister à l’intégralité de leur Road Trip en Californie.
Je vais te faire gagner du temps : Facebook ne t’épargnera rien.
Projection de notre narcissisme, de notre Moi rêvé, tout ce que l’on y met doit être à notre avantage. Ce n’est donc pas demain la veille que l’on verra des « je trompe ma femme depuis 10 ans et je suis une belle enflure », « photo de la tête de ma maman quand je lui ai annoncé que je lui avais vidé son compte en banque », ou « réaction de mon mari après qu’il ait découvert que pendant ma cure pour me remettre de mon burn-out, je faisais des selfies toute souriante avec mon collègue qui était gentiment venu me trouver alors que mes beaux-parents gardaient les enfants. » Des choses de la vraie vie quoi, qui n’est pas fantasmée ou romancée. Mais l’humain dans toute sa splendeur avec le peu de vergogne qu’il peut posséder, tu ne le verras pas sur Facebook. Et quelque part tant mieux, avec plusieurs centaines d’amis, si tout le monde commençait à boire le sérum de vérité, on ne tiendrait pas le choc.

Mais je n’avais pas uniquement quitté ce site pour éviter l’internement. Je suis partie car je trouvais très triste que peu de statuts ou de petites phrases de mes « amis » ne m’intéressent, ou pire qu’ils m’agacent (c’est après avoir lu 8 fois de suite « il fait beau aujourd’hui » ou alors « quel beau soleil » que j’ai définitivement décidé de cliquer sur l’option supprimer).
Et il n’était pas réconfortant pour l’âme humaine non plus de constater tous les posts perdus dans la nature, n’attirant aucune remarque ni commentaire, complètement ignorés alors que la personne en question comptait plus de 500 amis (qui pour le coup aurait pu être rebaptisé par : personnes dans mon carnet d’adresse qui n’en ont absolument rien à foutre de moi).
Ou alors je tombais des nues en voyant que des statuts à la con du genre « mes supers vacances à Ibiza » avec une photo tout aussi désolante pouvait récolter 57 « j’aime » en moins d’une heure.
Quand le rien attire le vide, ça perturbe.
Tout cela mis dans la balance, j’ai quitté Facebook. Comme la cigarette. Avec tellement peu de regret que l’on se demande pourquoi on s’est affligé cela si longtemps.
Les années ont passé, et quand vous faites quoique ce soit sur internet, pour des raisons pratiques: les réseaux sociaux, il est difficile de passer à côté. Mais je rechignais au possible, je craignais même de remettre mon adresse email et mon mot de passe, et reprendre le cours de ce qui s’est arrêté en mai 2013, avant mon anniversaire, période de remise en question, une parmi tant d’autres.

-Facebook a perdu de son appeal, inscris-toi sur Instagram c’est beaucoup mieux, me disaient les jeunes autour de moi.
-Ok, ça se passe comment sur Instagram ?
-ben tu as des amis et tu suis des gens, c’est essentiellement des photos ou des vidéos c’est génial
-Et comment tu trouves tes amis alors ? (la hantise de se prendre la honte d’avoir une seule connaissance, et encore, la fille de ma cousine, me prenait)
-En fait, faut passer par Facebook, c’est beaucoup plus simple.

On y revient et on n’y échappe pas, quoiqu’il se passe, ce maudit Facebook est PARTOUT.
Retour à la case départ. Car même si l’éventualité de réactiver mon compte Facebook me donnait de l’urticaire, il était encore pire pour moi d’imaginer devoir me réinscrire sur ce satané réseau afin d’ouvrir un autre compte ailleurs, sur une autre plateforme laquelle, je le subodorais, allait autant me captiver que mon ancien ami. Ça sera Facebook et BAAAAASTA comme dirait mon voisin italien.
J’ai pris mon courage à deux mains et j’ai inscrit mon adresse email, mon mot de passe et je me suis retrouvée, avec 5 ans, et presque autant de kilos, en moins, énormes lunettes Carrera sur le pif (merci Lady Gaga et son influence sur mon cerveau malléable), prenant la pose périlleuse des premières secondes du clip « Try » de P!nk (le nuque à nuque pour les aficionados du cirque, et quand ton côté influençable pourrait te valoir 3 mois de minerve, avec le recul, ça te fait te poser des questions sur ta santé mentale de l’époque).
Tout est resté tel quel. Comme ce que l’on doit retrouver dans un appartement après que son occupant ait disparu brutalement.
J’apprends que ma dernière action connue sur Facebook était de me trouver à un concert de P!nk justement, avec une personne qui m’a tagée (mis mon nom) sur son post et que je n’ai d’ailleurs pas revu depuis. C’est dire si l’amitié Facebook est tenace.
Mes derniers statuts que je trouve très drôles et pertinents (si je ne me lance pas de fleurs qui le fera ?) cachent mal tout l’agacement que me procure cette mascarade, ce ersatz de relation sociale, et rideaux. Plus rien.

Je dois avouer que depuis mon retour sur ce site, récent il est vrai, Facebook m’a étonnée. Non je n’y ai pas trouvé un altruisme et une empathie débordante, faut pas rêver mais les statuts à pleurer ont peu à peu désertés pour faire place à un contenu parfois à peine plus recherché, ou des traits d’humour (non originaux et pompés à gauche à droite certes) plutôt plaisants.

Certaines choses demeurent. Par exemple, tu as toujours les « amis » fantômes qui ont désertés depuis bien longtemps et dont le seul échange que tu auras avec eux sera une demande en amitié concrétisée par….rien. Ceux aussi dont tu ne sais absolument plus qui ils sont mais que tu n’oses pas virer car on ne sait jamais, ou encore ceux qui agrémentent ta journée de 150 publications qui partent dans tous les sens, appelants tantôt à sauver la planète, ou à aimer leurs vacances et les chats, pour finir par une déclaration solennelle et lourde de reproches : « moi si je vous ai comme amis c’est que je m’intéresse à ce que vous faites. Je vous lis et je vous suis. Dans la vie on compte beaucoup de faux-cul mais peu de vrais amis. Repost si tu es d’accord. Attention, je saurai reconnaître mes VRAIS amis ! »
Tu as eu 10 ans ? tu as déjà reçu une lettre à la chaîne dans laquelle on te demandait de la transmettre à 10 autres amis, de ne surtout pas briser la chaîne autrement un grand malheur arriverait ou le cœur de celle qui te l’avait fait parvenir saignerait, à choix ? Les décennies ont passés mais tu te retrouves au même niveau….
S’il y avait un commentaire à faire à cette publication, ça aurait été celui-ci : la vérité est cruelle. Facebook comme dans la vie le 98 % des gens que tu rencontres n’en auront strictement rien à faire de ta personne mais seront juste là pour que toi, tu t’intéresses à eux ou pour ce que tu pourras leur apporter.
C’est un fait, c’est comme ça, notre société est égocentrée. Et rechercher à tout prix du sens et notre valeur dans nos relations, qui plus est sur les réseaux sociaux est illusoire et perdu d’avance. Et dans ce cas précis, dans sa forme, limite idiot.

Dans le même registre à savoir « intéressez-vous à moi », un contact Facebook a posté un article intéressant sur le seflie.
Qui disait dans les grandes lignes que cette nouvelle manière de se mettre en scène était associée au narcissisme, à la toxicomanie et la maladie mentale, en citant en exemple, un adolescent qui avait essayé de se suicider après avoir pris pendant 10 heures par jour plus de 200 selfies. Il a perdu 15 kg, quitté l’école et la maison pendant 6 mois dans sa quête de l’image parfaite.
Il n’y est jamais arrivé.Selon sa perception on s’en doute…. Autrement il n’aurait pas essayé de voir St-Pierre rapidement mais il se serait contenté de devenir le pendant masculin de Kim Kardashian.
Bien sûr les commentaires de cet article allaient dans le sens « mais n’importe quoi » « ça c’est clair que ça ne va pas m’arriver » etc.
Forcément, les maladies mentales, les comportements obsessionnels ou maniaques, franchir la frontière qui existe entre les bien portants et ceux qui sombrent dans la psychose, c’est pour les autres.
Nous quand on met nos photos et nos anecdotes ou même nos commentaires sur Facebook on a un recul total sur l’image que l’on nous renvoie et d’ailleurs, on n’est pas sur ce site pour cela mais comme je l’ai entendu si souvent, pour garder le contact avec tel ou telle membre de la famille parti à l’étrange. Ça n’est ni par nombrilisme, ni pour satisfaire notre curiosité que l’on s’y balade, oh que non.

Et bien en ce qui me concerne, ce garçon qui est devenu fou à force de se prendre en photo, ça m’a fait réfléchir. Déjà parce, moi-même, j’ai souvent été étonnée du nombre incroyable, voir honteux, de selfies que je compte dans mon téléphone, aussi parce que j’ai eu maintes fois l’occasion de m’apercevoir à quel point notre équilibre que l’on pense acquis est fragile, mais surtout car le pourquoi de mon retour sur Facebook n’était pas un hasard. Je venais de faire une nouvelle vidéo d’un sketch. Sketch que j’avais travaillé et travaillé encore, à l’affût de la moindre erreur, bruit, intonation ou intention qui n’aurait pas été exactement ce qui l’aurait fallu à ce moment précis (en parlant d’obsessionnel….). Mais je vois que les paragraphes s’additionnent et comme m’avait dit un professeur de théâtre « arrête de t’installer ». J’avais, il est vrai, une certaine tendance à faire durer mes répliques. Il semblerait que même à l’écrit, je m’installe. Donc : ce sera le sujet d’un prochain post.

A suivre.

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