L’après-dîner de Sylvie Joly

Il y a un sketch de Sylvie Joly qui s’appelle « L’après-dîner ». C’est un des plus connu.

Une femme invitée à un dîner où tout était parfait selon ses dires au moment des au revoir (elle va même jusqu’à demander la recette de la mousse au chocolat) passera le trajet du retour à descendre en flèche la soirée, en y mêlant humeur exécrable, critiques assassines et relents de mousse au chocolat qui avait « certainement dû être faite avec du vieux lait ». Jouissifs de bout en bout.

J’ai revu ce sketch joué par Valérie Lemercier dans le cadre d’un spectacle hommage à Sylvie Joly.

Seulement, ce spectacle, je l’ai visionné sur Youtube. Site très pratique pour mettre en fond sonore des musiques ou regarder des petites vidéos, mais, ce qu’il ne faut jamais, je dis bien JAMAIS FAIRE ! c’est : lire les commentaires.

L’idiot(e) moyen ayant passé une journée frustrante où son génie n’a pas été reconnu à sa juste valeur, se rattrapera, en donnant son avis d’expert sur à peu près tout.

Et dans le cas qui nous intéresse, sur la performance de Valérie Lemercier ainsi que sur la qualité du texte de Sylvie Joly.

Je ne vais pas faire durer le suspense plus longtemps, l’avis de l’idiot moyen et d’un en particulier n’était pas très enthousiaste. D’abord sur la personnalité de Valérie Lemercier qui est, je le cite « aussi moche extérieurement qu’intérieurement».

Il expliquera dans les messages suivant (oui car des personnes répondent aux commentaires et de grands débats s’engagent) qu’il l’avait rencontrée une fois (deux minutes je pense) et qu’elle n’était pas sympathique du tout. A-t-il pensé à l’éventualité que sa tête ne lui revenait pas ? Une idée comme ça, en le lisant, je pourrais aisément imaginer qu’il ait une tête qui appelle la baffe.

Puis en bon critique qui se respecte, a terminé son commentaire par un « et il n’est pas drôle son sketch, il est méchant, ce n’est pas comme cela que l’on traite des gens qui vous ont invité. » 

Si ce monsieur voulait être acerbe avec l’écriture de Valérie Lemercier, c’est raté, étant donné qu’elle n’a rien à voir dans l’élaboration de ce sketch puisque qu’il est de Sylvie Joly. Quand on se veut percutant dans le clash, la moindre des corrections est de maîtriser son sujet. Et pour le reste de son pamphlet, sur la méchanceté avérée ou non du texte, le problème est toujours le même pour un artiste, qui plus est comique : le syndrome du co-auteur. Un spectateur, un avis, un co-auteur. Ceux qui pensent que modifier « un ou deux p’tits trucs » feraient toute la différence.

Je me souviendrais toujours d’un type, qui n’était pas du tout dans ce domaine d’ailleurs, avec lequel j’avais eu le malheur de parler (ou plutôt l’écouter parler de) sketch et écriture alors qu’on mangeait dans un restaurant et qui tout à coup s’était exclamé « mais regarde, là ! le serveur a failli renverser le café sur la cliente ! Si ça c’est pas une super idée de sketch ! »

Dis comme cela, non, je ne trouvais pas que c’était « une super idée de sketch ». Mal amenée, la brûlure au 3ème degrés ne fait en général pas se taper les cuisses de rire. Ni la mort par pendaison, ni la torture des p’tits chats. Je sais que ça a l’air complètement débile à faire, d’écrire en étant drôle, mais ça demande un minimum de réflexion, je n’ose dire de talent. Il m’avait avoué par le suite qu’il avait fait une fois dans sa vie maître de cérémonie dans un spectacle et que « le public était peu réceptif ou alors j’avais mal amené mes blagues car je me suis pris bide sur bide », puis continuant d’un ton professoral ses conseils «tu vois la mise en scène c’est hypra important. C’est un point que tu dois vraiment bosser ». Oui je veux bien, mais je subodore qu’à en juger par ce qu’il m’avait dit précédemment, avec ses textes à lui, même Bertolt Brecht n’y aurait rien pu.

Pour en revenir au critique Youtube, qu’aurait-il aimé pour que ce ne soit pas méchant et acceptable selon son échelle de valeur ? « Sophie le repas était fantastique ainsi que la soirée-merci beaucoup-on a adoré » (ce qu’elle dit d’ailleurs) sans passer le retour en voiture à critiquer mais à continuer les éloges et énoncer un par un les plats du dîner? Ça n’aurait absolument pas été drôle du tout mais aurait respecté le 1 er accord Toltèques « que votre parole soit impeccable ». Le truc impossible à tenir. Cependant, ça fait tout son bel effet de dire « tu connais les accords toltèques ? J’adhère totalement à cette philosophie, c’est ce qu’a fait de mieux le Mexique juste après les tacos. »

Et ça a été aussi très prolifique pour Don Miguel Ruiz qui les a ressortis du placard. Que ça rapporte sans devoir se casser la tête à trouver soi-même des idées, que demande le peuple ?

Cependant, laissez-moi vous dire que ce principe en particulier est très mauvais pour la santé. Refouler, retenir, ça n’est pas bon on est d’accord. Et pour avoir une « parole impeccable », que devons-nous faire ? Taire en permanence le fond de notre pensée. On le fait déjà régulièrement en présence des gens pour ne pas finir par se taper dessus, alors si on ne peut même plus médire quand ils ne sont pas là !!! Il y a pourtant un côté très rédempteur avec des phrases du genre « Il est effrayant leur fils ! On dirait un cochon… ». ça détend.

Et dit avec le talent de Sylvie Joly ou de Valérie Lemercier, n’en déplaise à ce youtuber, c’est drôle. Et pour ceux qui ne le comprennent pas et rangent ces traits d’esprits hâtivement dans la catégorie « méchant », je citerai Sylvie Joly elle-même :

« Moi je joue pour le premier de la classe, les autres n’ont qu’à suivre. »

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