Dans la salle de fitness

où je vais régulièrement m’entraîner, il y avait un gars en même temps que moi qui était avec son coach. On en voit plein maintenant des coachs. Pour tout. Pour le travail, pour les couples, quand vous n’arrivez rien à faire de vos enfants, votre chien, quand vous vous fringuez comme un sac, quand vous avez 42 ans et presque autant d’années de célibat.  Chaque problème à son coach. Dans les salles de sport, on les appelle des personal trainers. Pour la modique somme de 150.— de l’heure, il comptera à côté de vous le nombre de répétitions de vos exercices. C’est bien, ça fait sérieux et c’est très pratique en cas de problèmes avec les maths et que vous avez besoin d’un boulier pour arriver au chiffres 10.

Il vous montrera aussi comment ne rien utiliser de ce qui existe dans la salle mais d’innover avec des méthodes révolutionnaires. Le but étant d’arpenter la salle en long, en large et en travers et de zigue zaguer entre les gens ringards comme moi qui utilisent bêtement ce pourquoi ils ont payé une ruine en abonnement. Ils appliquent aussi le concept boots camp qu’ils utilisent pour des pétillantes quadras qui ne savaient même pas que l’on pouvait faire du sport de son plein gré. Pourpres et à la limite de l’apoplexie, on les verra une fois, pas deux. Elles préfèrent souvent perdre les 5 séances payées d’avance plutôt que de revivre un tel carnage.

Ce fameux jour, après mon entraînement, le temps d’écrire un sms, je m’assois sur un canapé proche de la réception, ce que je ne fais jamais, n’ayant pas forcément envie de socialiser avec des hommes qui risquent de me parler régime et abdos.

Et ça n’a pas manqué. Je n’étais pas assise depuis plus de 2 minutes quand le client du personal trainer s’est assis à côté de moi et se met à me parler. Il me dit en anglais qu’il vient du Pérou pour apprendre le français, ce qui comme entrée en matière linguistique commençait mal. Il m’explique qu’il a des difficultés à se faire à la mentalité européenne. Que dans son pays, il est usuel de parler à tout le monde, même aux gens que l’on ne connaît pas. Ici, à chaque fois qu’il avait adressé la parole à quelqu’un, soit on lui avait dit « je ne donne pas d’argent » ou encore il s’était pris un « je ne suis pas intéressée » dans la figure de la part de la gente féminine.
Effectivement je ne pouvais que plaider coupable…. La première chose à laquelle j’ai pensé quand il est venu vers moi était « Ah non…. Encore.». Je dégage souvent un appel à la drague à deux balles ainsi que les confessions intimes dans les 5 premières minutes. L’amour inconditionnel pour sa voiture, les vacances trop géniales avec multitudes de détails passionnants, les divorces parentaux mal vécu, les tentatives de suicide, du plus anodin à ce que l’on devrait plutôt raconter à son psy, rien, on ne m’épargne RIEN. Et je ne parle même pas de certains hommes qui me prennent pour leur copain de vestiaire et me donnent des détails de leur vie amoureuse dont je me passerais volontiers. « Si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence alors tais-toi » n’est-ce pas ? Dans une logique qui m’échappe, beaucoup de personne pensent que de m’expliquer les multiples raisons pour lesquelles leur couple bat de l’aile est plus beau que le silence.

Alors qu’il n’y a pas besoin d’avoir fait une thèse en thérapie de couple pour comprendre que de s’engager sur le long terme à grand coup de crédits immobiliers avec une personne dont la seule qualité était d’être là au bon moment, le temps passant, la routine s’installant et tous les petits problèmes du quotidien qui se rajoutent, la relation n’est jamais au beau fixe et vous êtes rarement sélectionné en une de gala comme couple le plus glamour de l’année après 10 ans de mariage. Pour faire clair ça craint et ça n’est pas parti pour s’arranger, mais, va savoir pourquoi, je semble toujours être la seule à m’en rendre compte et, lassée de passer pour la rabat-joie de service dans un domaine où le réalisme n’est pas très à la mode, je me contente de prendre un air compatissant quand les gens me racontent leurs déboires amoureux. Mais qu’ils se rassurent, de ce que j’ai pu voir, les couples qui vont mal tiennent très très très longtemps. L’humain et sa propension à se pourrir lui-même sa vie sans doute, comme si la pollution, les pesticides et la multitude de cancer qui nous pend au nez n’allaient pas s’en charger.

Mais pour en revenir à mon acolyte du fitness, je lui donne totalement raison, on ne peut pas dire que la chaleur humaine déborde par ici. Les rares fois où j’ai pris le métro, j’ai été frappée du nombre de gens les yeux rivés sur leur portable n’ayant absolument aucune conscience de ce qui les entoure. On met son échographie sur Facebook mais si notre voisin de gauche nous adresse la parole, on pense que l’on va se faire agresser tellement on en a plus l’habitude.

Et en ce qui concerne les rapports hommes femmes, je ne connais pas les us et coutumes du Pérou, et je regrette bien pour lui qu’il soit pris un « je ne suis pas intéressée » dans les dents avant qu’il n’ait pu dire quoi que ce soit, mais de notre côté du globe, les rapports hommes femmes sont aussi mal barrés que ceux de simple civilité. Niveau drague, les hommes ici ne sont pas doués et quand ils s’essayent à l’art délicat de la séduction, c’est souvent avec un taux d’alcoolémie qui ne leur permet pas de dire autres choses que des phrases de ploucs. Déjà qu’à jeun il y a rarement de la créativité ou le projet du tome 2 de l’alchimiste en cours quand on nous aborde, l’alcool accentuant le vide sidéral de leurs propos, le résultat est bien souvent pathétique. Et les filles on est bêtes, bien élevées, et on prend l’habitude à force d’être comme les jeux MB et d’attirer les beaufs de 7 à 77 ans. Fatalement on finit par prendre le pathétisme en pitié.

Ils nous rappellent un oncle dont on avait un peu honte mais qu’on aimait bien ? Notre frère à 12 ans qui essayait d’aller au-delà de « F » à l’époque où il ambitionnait d’énoncer l’alphabet en rotant ? Va savoir Dr Freud.

Le résultat de tout cela est que tu te retrouves à boire un verre par pur charité chrétienne avec des gens avec lesquels tu n’as absolument rien en commun. Le point positif est que tout va tellement vite maintenant, qu’il ne faut pas t’attendre à une drague acharnée. Dès le premier verre infructueux, tu vas être catapultée dans la zone «frigide qui m’a quand même coûté 6.– ».

La vie d’une fille est ainsi faite. Le pire c’est que l’on est censée être flattée par l’attention que l’on nous porte. Je ne compte plus le nombre de fois où l’on m’a fait cette réflexion. « Mais c’est flatteur ! » C’est vrai que d’attirer l’attention du premier débile venu te donne instantanément l’impression d’avoir la prestance de Monica Bellucci. Le soir, tu te remémores « on m’a dit « ça va ? t’es trop belle » avec l’œil vide, je me sens tellement flattée que j’en suis comblée, à quoi bon rechercher le sens de la vie quand on en arrive à un tel point de plénitude ?»

De toutes ces relations interpersonnelles tellement enrichissantes, s’ensuivent à force un ras-le-bol, qui font que maintenant, quand on t’adresse la parole, tu t’accordes parfois le luxe du rejet sec et gratuit ayant épuisé depuis belle lurette ton quota d’écoute patiente et tes relances de discussions sur le temps qu’il fait et la nécessité de s’équiper en pneumatique hivernale. Et oui, ça peut tomber arbitrairement sur un péruvien adepte de culturisme qui en tirera certainement des conclusions désastreuses sur l’hospitalité de ton pays.

 

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